• Extrait du Sang des Mor : Chapitre 1

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    Chapitre 1 : Pour la liberté

     

    Les chaînes de fer laissèrent échapper un claquement sinistre alors que la lourde porte de bois coulissait. La lumière d'un soleil implacable inonda l'habitacle.

     

     – Il est l'heure ! annonça le garde armé près de la porte.

     

     Battant des paupières à cause du brusque gain de clarté, un jeune homme de taille moyenne se leva du bat-flanc sur lequel il était assis. Les rais de lumière qui envahirent la pièce révélèrent un bref instant l'éclat cuivré de sa chevelure sombre en bataille. Sa mâchoire volontaire se crispa en une grimace sauvage, et lorsqu'il pénétra dans l'arène, ses yeux noirs brillèrent de détermination.

     

     

     

    À l'extérieur, une clameur immense l'attendait. La foule n'avait même pas attendu l'annonce de son nom pour le saluer. Ceux qui avaient parié sur lui connaissaient son identité : Shaïn, le Faucon d'Aurah, impitoyable guerrier de l'arène, réputé pour son agilité et son maniement du kriss. À une cinquantaine de mètres face à lui, la deuxième porte du Colisée s'ouvrit, laissant entrer son adversaire, un homme d'au moins un mètre quatre-vingt-dix à la peau bistrée et au torse orné de tatouages tribaux d’un violet scintillant. Il salua le public en levant les bras, exhibant ses puissants biceps. Les dessins qui recouvraient ses muscles ne laissaient aucun doute sur son origine, et encore moins sur ses redoutables aptitudes.

    Shaïn avait été prévenu. Affronter un guerrier Mor sans être soi–même un guerrier Mor, c'était plus ou moins du suicide. Mais celui qui parvenait à en tuer un dans les arènes voyait s'ouvrir en grand les portes de la gloire et de la richesse. Certains princes marchands et nobles de la ville en possédaient comme gardes du corps, et les faisaient combattre volontiers pour déchaîner les paris. Avec leur vitesse surhumaine, leurs yeux rivalisant avec ceux des rapaces, plus les capacités spéciales innées à leur race, ils étaient de vraies machines à tuer.

     Des machines à tuer que l'Empire contrôlait soigneusement.

     Shaïn sentit sa bouche s'assécher en voyant l'allure du colosse et une boule d'adrénaline se noua dans son ventre. Il avait été élevé comme combattant dès ses six ans, avait été garde d’honneur de l’empire, mais l'homme en face de lui avait sans doute encore plus d'expérience. Et il ne savait pas quelles aptitudes lui avaient été laissées par son propriétaire. Le pouvoir d'un Mor faisait l'objet d'un contrôle rigoureux, mais le peu qu'il utilisait pouvait suffire à tuer la moitié des gens présents dans les tribunes. C'était fou d'accepter un tel combat.

    Mais il voulait racheter sa liberté. Et celle de la personne qui occupait en permanence ses pensées.

     Aylin valait tous les risques qu'il s'apprêtait à prendre et davantage.

     – Le combat opposera Shaïn, le Faucon d'Aurah à Vinctis le Mor de Sebi. Les deux adversaires devront s'affronter jusqu'à la mort de l'un d'entre eux ! Pas de limite de temps. Que le gong sonne !

     Un coup. Deux coups. Trois coups.

     Le son martela les tympans de Shaïn, mais ce qui le fit perdre pied fut la violente secousse du sol juste sous ses pas, au moment où le troisième coup de gong retentissait. Sans se déplacer, le Mor avait frappé la terre du poing, provoquant une onde de choc. Violemment projeté à terre, le jeune homme ne put que voir fondre sur lui son ennemi aux prunelles violettes flamboyantes, sa lance prête à se planter dans son cœur. Désespéré par la vitesse de celui-ci, la gorge serrée par la peur, il exécuta un roulé-boulé qui lui sembla pathétique, vu que son adversaire était déjà sur lui. Une violente douleur à son biceps l'informa que la lance venait de s'y enfoncer, le clouant définitivement au sol. Il se débattit malgré la souffrance, la gorge nouée de terreur, sentant la mort venir sur lui.

     Dans les tribunes, un rugissement de triomphe se fit entendre de la part des parieurs du Mor, tandis que les quelques-uns qui avaient engagé la cote sur Shaïn se répandaient en huées et sifflements de dépit, mêlé à la déception de voir un combat aussi vite terminé.

     Le Mor ne retira pas sa lance pour porter le coup fatal. Au contraire, ne sous-estimant pas la vitesse du jeune homme, il se baissa vers lui en plaçant sans ménagement un genou sur son plexus, lui coupant le souffle. Ne lui restait qu’à attraper le cou de sa victime impuissante et lui broyer les vertèbres cervicales.

     Une projection de sable, provenant de la main gauche de Shaïn, l'en empêcha. Même les yeux d'un Mor étaient sensibles à ce genre de petite ruse, et Shaïn le savait. Les Mors étaient une race différente de la leur, oui. Mais leurs yeux étaient sensibles à l'irritation, comme ceux de toute créature terrestre. La vue brouillée, déconcentré, le Mor ne put pas davantage éviter de prendre le manche de sa lance en plein visage. Shaïn, sans prêter attention à la douleur, l'arracha de son bras avant de s'en servir pour frapper de nouveau la tête de son adversaire.

    L'arme se brisa sous le choc, tandis que le Mor se redressait avec un hurlement furieux, et que des huées appréciatrices s'élevaient depuis les gradins. Sans plus attendre, Shaïn se rua vers son adversaire, la pointe de la lance brandie dans son poing.

     Son adversaire intercepta le poignet du jeune homme et le tordit violemment, obligeant Shaïn à lâcher prise. Le Mor attrapa son second bras, mais vif comme l’éclair, le jeune homme réussit à se dégager en lui donnant un grand coup de genou dans l’estomac. Cependant, la vitesse de son ennemi était plus grande que la sienne et un coup de poing le jeta dans le sable, la mâchoire en sang. Des taches rouges dansèrent devant ses yeux. Un violent coup de pied lui fêla deux côtes. Certains spectateurs se levèrent dans les tribunes, d’autres laissèrent échapper des murmures horrifiés. Malgré la douleur, il roula sur lui-même, de justesse pour échapper à la poigne de son ennemi. Il comprit qu’il ne gagnerait jamais s’il affrontait Vinctis au corps-à-corps. La respiration sifflante, échappant de justesse à un autre coup de pied qui aurait pu lui perforer aisément le foie, Shaïn parvint dans un sursaut de volonté à se relever. En deux bonds, il fut hors de portée de son ennemi.

     Ricanant face à la frayeur non déguisée du jeune gladiateur, rejetant ses tresses à l’arrière, Vinctis lui fit signe d’approcher d’un air ouvertement moqueur. Shaïn résista à la provocation et les deux combattants commencèrent à danser l’un autour de l’autre, tels deux lions mâles lorsqu’ils se rencontrent avant de s’affronter. Yeux de lavande contre yeux d’obsidienne. Peau mate et peau noire. Géant contre lutin. Les encouragements et les acclamations retentissaient dans les tribunes, le public montrait son impatience. Mais les deux combattants ne prêtaient aucune attention à la foule, et continuaient leur ronde menaçante, sans venir au contact.

     Chacun cherchait à jauger la force de l’opposant, à chercher la faille dans sa garde. Avec attention, Shaïn détailla l’expression bestiale sur le visage de son ennemi, la flamme meurtrière dans ses prunelles violettes. Qu’a-t-on bien pu lui promettre pour qu’il se batte ? se demanda-t-il. Shaïn pouvait reconquérir sa liberté dans cette arène, mais un Mor, jamais. Il était défendu de les affranchir.

     Le rictus de haine qu’il vit apparaître alors que le guerrier frappait de nouveau du poing vers le sol le renseigna. Il sauta vers l’arrière, évita de justesse la vague d’ondes qui l’aurait atteint de plein fouet. Ce Mor fuyait la détresse de sa captivité en tuant. Après tout, Shaïn était lui aussi un altanien, comme son maître. Vinctis pouvait soulager sa douleur et sa rancœur sur les combattants de l’arène. C’était là ce qui le rendait le plus dangereux.

     Une nouvelle onde de choc frappa Shaïn et le projeta de nouveau sur le sol. Il roula à terre, échappant de justesse aux bras de son ennemi prêts à l'encercler dans une embrassade mortelle. L'instant d'après, il se releva et se mit à courir.

     Le guerrier utilisa de nouveau son pouvoir, faisant vibrer la terre. À présent, Shaïn zigzaguait à travers l'arène, évitant les endroits où le sol était touché. Un saut sur la droite. Une culbute sur la gauche. Un sprint vers le centre, puis un rapide pas chassé vers l’arrière.

     Son cœur cognait dans son torse comme jamais, il savait qu'il ne pourrait danser ainsi très longtemps, mais il était hors de question de laisser la victoire à l'adversaire. Déjà, il avait réussi à le désarmer. Certes, le géant restait dangereux, mais Shaïn était toujours armé. Il croyait maintenant en sa réussite.

     Il avisa la pointe de la lance toujours au sol. Il parvint à s’en rapprocher avec un saut. Vinctis poussa un cri de rage, jeta son poing en l’air, percuta l’épaule du jeune homme. Shaïn se dégagea d’une culbute, parvint enfin à ramasser l’arme.

     Après un rapide tour de l'arène, courant, bondissant, toujours poursuivi par les dangereuses secousses, Shaïn fonça vers l’ennemi. Celui-ci, croyant tenir sa victoire, expédia alors sa dernière salve de vibrations droit sur lui. Tout se déroula alors en quelques secondes.

     Le sol sous les pieds de Shaïn éclata, mais celui-ci venait d'effectuer un gracieux bond en avant. Le choc le propulsa en hauteur, droit sur sa cible.

     Shaïn n'était pas surnommé le faucon pour rien.

     La pointe de lance plongea droit dans la poitrine du Mor, qui tomba sous le choc. Certes, cette blessure n'était pas forcément mortelle. Mais au moment même où Shaïn maniait la pointe de la lance, il avait saisi le kriss à sa ceinture malgré son bras blessé, et l'instant d'après, il l'enfonçait profondément dans la gorge de son adversaire.

     Le sang jaillit à gros bouillons de la plaie béante, aspergeant le sable et le visage du jeune gladiateur, tandis que celui-ci faisait coulisser le kriss, traçant un bel arc de cercle sur le cou de sa victime. Il entendit le dernier râle du Mor, vit les derniers spasmes agiter son corps. Ses oreilles tintèrent, une immense acclamation s'éleva des tribunes.

     

    Chapitre 2 !

     


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